Autopsie de la RAF

 

Ce documentaire décrypte la radicalisation de jeunes intellectuels allemands au sein de la Fraction Armée rouge.

Comment et pourquoi Meinhof, Baader, Ensslin ou Mahler ont-ils choisi la lutte armée de la Fraction Armee rouge (RAF) au début des années 1970 ? Jean-Gabriel Périot retrace dans Une jeunesse allemande l’histoire de cette radicalisation. « Ces jeunes gens venaient du cœur de la société allemande » explique le cinéaste, qui a travaille plusieurs années dans leurs archives. « Ils auraient dû incarner l'avenir de l’Allemagne. »

Ulrike Meinhof est ainsi omniprésente dans la sphère médiatique au milieu des années 1960, rédactrice en chef du magazine de gauche Konkret, réalisant ou produisant de nombreuses émissions pour la télévision ou la radio. Holger Meins, lui réalise des films, souvent beaux (Le Drapeau rouge) ou drôles au service de son engagement anti-impérialiste et révolutionnaire.

Andreas Baader lui aussi est un apprenti artiste, étudiant aux Beaux Arts de Munich, projectionniste, il a laisse des œuvres, par exemple deux scenarios jamais réalises Gudrun Ensslin, fille d’un célèbre pasteur, éditrice, belle et longue jeune femme, était actrice dans les films de cette avant garde gauchiste. Tandis que Horst Mahler avocat bien né et bien mis, plaide la cause de ses camarades dans les prétoires. Alors pourquoi ce basculement vers la violence armée ? D’abord, et c’est une des thèses les plus séduisantes du film, parce qu'elle est attirante et esthétique visuellement et rhéoriquement fascinante.

Ensuite parce qu’elle recouvre une opposition générationnelle, bien résumée par Meinhof lorsqu'elle lance dans un débat télévisé que « tous ceux qui représentent l'autorité ne sont plus crédibles », tant les parents « compromis avec le nazisme » que les capitalistes ayant réduit les ouvriers a l'esclavage. Enfin par dégoût d’une société allemande qui a construit sa prospérité sur l’oubli de la guerre et de ses fautes, ou sur un consumérisme jugé aliénant.

Sans commentaire, construit comme un montage de dizaines de documents d’époque, le film est une immersion au cœur de cette énigme, et parvient a saisir l'affrontement à vif entre une société sclérosée par son passe nazi, ses obsessions
matérialistes, et une jeunesse douée, qui vire peu a peu vers le pire.

 

Antoine de Baecque
Histoire
Octobre 2015